Poster sur internet un commentaire négatif à propos d’une entreprise peut-il constituer un dénigrement?

Vous mettez en cause sur un réseau social la qualité des services proposés par une entreprise par le biais de commentaires négatifs dans le but d’inciter une partie de la clientèle à s’en détourner Attention ! Votre action relève du dénigrement !

Le dénigrement commercial consiste à jeter le discrédit sur un commerçant, en répandant à son propos ou au sujet de ses produits ou services, des informations malveillantes pour en tirer profit (CA Paris 9-3-2016 no 13/01884).

La diffamation, pénalement sanctionnée, est constituée par toute allégation ou imputation d’un fait de nature à porter atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne (Loi du 29-7-1881 art. 29).

Un exemple concret, une auto-école a agi en responsabilité contre l’un de ses anciens salariés, auquel elle reproche d’avoir commis des actes de dénigrement en publiant sur le réseau social Google + un avis négatif la concernant. Le commentaire fait notamment état de l’incompétence de ses moniteurs, d’un défaut de pédagogie, d’une recherche de profit au détriment des besoins et de l’intérêt des clients, de l’absence d’apprentissage réel de la conduite…

L’ancien salarié lui oppose que ces propos relèvent de l’action en diffamation, soumise à un court délai de prescription de trois mois, et soulève l’irrecevabilité de la demande formée après l’expiration de ce délai.

Le tribunal de grande instance de Nanterre (TGI Nanterre 21-11-2019, Sté Auto-école Newton Levallois c/ X) rejette cet argument et juge que les propos litigieux s’inscrivent dans le registre du dénigrement, et non pas de la diffamation pour les motifs suivants :

  • les commentaires visaient distinctement la qualité des services proposés par l’auto-école dans le but d’inciter une partie de la clientèle à s’en détourner ;
  • les commentaires ne portaient pas atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne physique ou morale exploitant l’auto-école.

La vérité du propos est sans importance, cela n’est pas un fait justificatif du dénigrement (alors qu’elle peut être invoquée en cas de diffamation).

Le tribunal a ainsi condamné l’ancien salarié à verser 1.000 € à l’auto-école en réparation du préjudice moral qu’il lui a causé et il ordonne la suppression du commentaire litigieux sous astreinte.

La présente affaire donne l’occasion de rappeler les champs d’application respectifs du dénigrement, qui relèvent de la responsabilité civile de droit commun (C. civ. art. 1240), et de la diffamation (Loi du 29-7-1881 art. 29).

L’action en diffamation est possible lorsque les propos litigieux visent une personne physique ou morale (Cass. crim. 12-10-1976 n°75-90.239)). Ainsi, la critique d’une société publiée dans un article de presse relève de la diffamation et non du dénigrement dès lors qu’elle vise la personne morale elle-même et non ses services ou ses produits (Cass. com. 26-9-2018 n° 17-15.502).

Mais il n’y a pas diffamation lorsque les appréciations, même excessives, touchent uniquement des produits ou des services d’une entreprise (Cass. 2e civ. 5-7-2000 n°98-14.255). Dans ce dernier cas, c’est une action fondée sur la responsabilité extracontractuelle de droit commun qui doit être engagée.

Sous cet angle, il importe peu que l’allégation litigieuse soit ou non exacte (Cass. com. 24-9-2013 n°12-19.790). Il a ainsi été jugé que constitue un acte de dénigrement la diffusion d’une brochure critiquant le produit d’un concurrent même si le procédé de fabrication a été remis en question ultérieurement (Cass. com. 5-10-1982 n°80-12.819).

La Cour de cassation a toutefois récemment nuancé cette solution : lorsque les informations divulguées en termes mesurés se rapportent à un sujet d’intérêt général, il n’y a pas dénigrement si elles reposent sur une base factuelle suffisante (Cass. 1e civ. 11-7-2018 n°17-21.457/ Cass. com. 9-1-2019 n°17-18.350).

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