Obligation d’indemnisation de la perte de chance constatée

Dans une affaire récente, la Cour de cassation est venue rappeler les contours de la responsabilité de l’architecte en cas de mauvaise superficie, lorsqu’un bien construit ne correspond pas aux mesures prévues dans les plans initiaux.

Cette décision, rendue le 7 novembre 2024 (Cass. civ. 3e, n° 23-12.315), illustre les enjeux contractuels liés à une mission de maîtrise d’œuvre, même en l’absence de mission spécifique de relevé des existants.

Un litige fondé sur l’article 46 de la loi de 1965

Dans le cadre d’une opération de construction, une société confie une mission de maîtrise d’œuvre à un architecte, sans mission de mesurage. Une fois les travaux achevés, les acquéreurs d’un lot intentent une action en diminution du prix, car la superficie réelle du bien est inférieure de plus de 5 % à celle indiquée dans l’acte authentique.

Conformément à l’article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, cette action est recevable. La société se retourne alors contre l’architecte, estimant qu’il a manqué à ses obligations contractuelles.

La Cour d’appel rejette… puis se fait censurer

Dans un premier temps, la Cour d’appel rejette la demande d’indemnisation. Motif : l’architecte n’avait pas reçu de mission de mesurage, et ne pouvait donc être tenu pour responsable de l’écart de superficie.

Mais la Cour de cassation n’est pas de cet avis. Elle rappelle que la mission de maîtrise d’œuvre de base, incluant la direction de l’exécution des travaux et l’assistance à la réception, impose à l’architecte de vérifier la conformité de l’ouvrage aux plans contractuels, y compris sur la superficie privative.

Responsabilité de l’architecte en cas de mauvaise superficie : une obligation de contrôle

Même sans mission de relevé des existants, l’architecte devait veiller à ce que l’ouvrage respecte les plans. En ne s’assurant pas de cette conformité, il commet une faute contractuelle susceptible d’ouvrir droit à réparation du préjudice subi par le maître d’ouvrage.

Mais attention : il ne s’agit pas d’indemniser la totalité de la perte subie, mais la perte de chance de vendre au prix initialement prévu. Autrement dit, la réparation doit porter sur une fraction du prix manquant, et non sur le montant total de la diminution du prix accordée à l’acheteur.

Le juge ne peut refuser l’indemnisation d’une perte de chance

Fait intéressant : la Cour de cassation souligne que le juge ne peut refuser d’indemniser une perte de chance au seul motif que le demandeur a chiffré son préjudice de manière erronée.

En pratique, il revient au juge de fixer lui-même le montant de la perte de chance et d’accorder une indemnisation sur cette base.

Ce qu’il faut retenir

✅ L’architecte est responsable de la conformité de l’ouvrage, même sans mission de mesurage, dès lors qu’il assure la maîtrise d’œuvre complète.

✅ Une mauvaise superficie peut ouvrir droit à une action en diminution du prix par l’acquéreur, et à une action en responsabilité contre l’architecte par le vendeur.

✅ Le préjudice indemnisable est la perte de chance, et non l’intégralité de la somme perdue.

✅ Le juge doit indemniser cette perte, même si le chiffrage présenté est inexact.

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